Accueil / Actualités / FACE A LA HAUSSE DES PRIX MONDIAUX DES PRODUITS AGRICOLES, QUELLES SOLUTIONS (…)

FACE A LA HAUSSE DES PRIX MONDIAUX DES PRODUITS AGRICOLES, QUELLES SOLUTIONS POUR LE SENEGAL ?

Publié le 28 avril 2008

Les problèmes auxquels sont confrontés les paysans du monde rural sont d’abord d’ordre essentiellement structurel. Ils ne découlent pas de l’évolution présente des marchés internationaux, bien que les ruraux subissent l’inflation généralisée au même titre que les consommateurs urbains. Il convient donc, dans le contexte mondial alarmiste qui règne, de faire preuve de discernement afin d’opérer pour le Sénégal, les meilleurs choix tactiques et stratégiques de sortie de crise face à la situation agricole et alimentaire.

La problématique du secteur agricole et alimentaire est complexe et se présente sous plusieurs aspects : institutionnel, structurel, fonctionnel, etc. Toute intervention, pour être pertinente et adaptée, doit apporter à la fois des solutions conjoncturelles et structurelles, sinon elle est vouée à l’échec à très court terme.

* 1. Au plan institutionnel,

tout se passe comme si le secteur agricole souffrait d’un manque d’expertise et de ressources humaines compétentes, tant la visibilité y est devenue réduite. Pourtant, une expertise agronomique nationale existe, bien qu’elle soit essentiellement concentrée au niveau d’institutions publiques (services des Ministères, ISRA, ANCAR) davantage orientées vers l’administration, la recherche et l’encadrement du secteur agricole. Très peu d’ingénieurs et de techniciens sont engagés dans le secteur privé productif, y compris les experts travaillant au niveau des organisations professionnelles des agriculteurs ; ce qui explique peut être la propension des décideurs politiques à privilégier une approche « top-down » qui n’est pas toujours la meilleure.
Malgré le consensus sur la loi d’orientation agro-sylvo-pastorale, cadre actuel de la politique de développement rural, l’Etat et des organisations paysannes faîtières telles que le CNCR ne sont pas en phase sur la conception et la mise en oeuvre des programmes et plans d’actions. Les principaux points saillants d’achoppement sont :

- les modalités de participation des organisations faîtières paysannes à la prise des décisions stratégiques ; - la place réservée à l’agriculture paysanne familiale dans les programmes d’action ; etc.

 Le déficit de communication et les conflits de compétences qui caractérisent leurs relations rendent difficile la coopération entre les deux parties. Or, la participation du secteur privé rural est indispensable à la mise en oeuvre et au succès des programmes initiés par l’Etat.

 Les conflits de compétences résultent souvent d’une méconnaissance des rôles respectifs des acteurs. Le rôle de l’Etat en tant que concepteur et facilitateur, a été pourtant bien délimité depuis la formulation de la Nouvelle politique agricole en 1985, et a été réaffirmé dans le document stratégique de Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale de 2004 qui stipule : ´la politique conduite par l’Etat dans le domaine du développement agro-sylvo-pastoral est marquée par le retrait progressif de l’Etat et est conforme aux principes de recentrage de ses missions sur des fonctions régaliennes, de poursuite de la politique de décentralisation, d’amélioration du cadre et des conditions de vie en milieu rural, ainsi que de création d’un environnement propice aux investissements privés en milieu rural.

Il faut donc retenir d’une part, qu’il appartient bien à l’Etat de définir les orientations nationales du secteur agricole, d’opérer ses choix stratégiques sectoriels et de planifier les programmes nationaux. Il est évident que la concertation avec les partenaires et tous les opérateurs économiques est nécessaire avant la mise en oeuvre des programmes. C’est à ce titre que la communication fait partie intégrante du rôle bien compris de planificateur et d’animateur qui est celui de l’Etat. A ce niveau, l’Etat doit faire beaucoup d’effort et développer davantage une capacité d’écoute des OP paysannes. Sans renoncer à ses choix stratégiques, l’Etat peut indiquer au paysannat la place importante qu’il doit occuper à court terme dans le dispositif, une fois ses capacités techniques renforcées ; ainsi que les formidables opportunités qui se présenteront à moyen et long terme pour les exploitations familiales.

D’autre part, dans le cadre de la mise en oeuvre et de l’opérationalisation des programmes, les initiatives majeures doivent être cédées aux opérateurs privés et à leurs OP, notamment en ce qui concerne la définition des modalités pratiques de réalisation et d’encadrement. Tout ceci bien entendu en partage et sous le contrôle de l’autorité administrative décentralisée.
Les OP paysannes, même si elles ne sont pas convaincues des orientations stratégiques de l’Etat, sont souvent d’accord sur les objectifs. Ils peuvent donc s’approprier le dispositif de mise en oeuvre des programmes de façon professionnelle de manière à l’intégrer dans les systèmes de production traditionnels, en adaptant les transferts de technologie à la taille des exploitations qui, de toute façon, doivent évoluer vers des systèmes modernes. Par exemple : les nouvelles technologies de la bio-énergie, de la micro-irrigation, les produits ethniques de niches (produits Bio ; GIPD,..), trouvent en fait leurs meilleures applications dans les exploitations agricoles de petite taille.

Il est clair que la délimitation des principaux rôles (planification, mise en oeuvre et encadrement) ne peut être nettement tranchée tant les capacités techniques et financières font souvent défaut surtout pour les opérateurs privés ruraux. Ce qui, malheureusement, constitue souvent prétexte pour certains acteurs étatiques à s’accaparer des rôles normalement dévolus au secteur privé. Une fois qu’ils ont démontré leurs capacités de bonne gestion, les ressources spécifiques allouées doivent être transférées au secteur privé rural ; à charge pour les services d’encadrement d’assurer le suivi et l’évaluation ex-post.

2. Sur le plan structurel,

le schéma d’intervention proposé par le PSAOP ne semble pas être en cohérence avec les nouvelles orientations de politique agricole du Gouvernement ; le dispositif n’a pas été conçu pour prendre en charge la mise en oeuvre des programmes opérationnels tels que le plan REVA ou le GOANA. Toutefois, les modes d’appui et de soutien peuvent être revus et adaptés de manière à accompagner efficacement les nouveaux programmes.

L’ANCAR se veut une structure d’encadrement essentiellement orientée vers l’appui et le conseil technique aux producteurs paysans. Or, les Plans de développement de l’Agriculture et de l’Èlevage (PNDA et PNDE ) que l’Etat a formulés dans la LOASP, et qui sont entrain d’être mis en oeuvre, privilégient le modèle de l’entreprise agricole. Par conséquent, les missions et activités de l’ANCAR doivent être repensées dans le cadre de l’ingénierie-conseil et du management d’entreprise dans toutes ses dimensions (finance, production, qualité, conditionnement, transformation marketing, exportation, ). De même, une structure comme le FNRAA pourrait, pour davantage de cohérence avec les PNDA et PNDE, mettre encore l’accent sur des projets d’activités novatrices, de développement ou de vulgarisation de nouveaux produits, voire sur la formation (par exemple au niveau Centres polyvalents de formation des producteurs).

Pour mieux comprendre les dysfonctionnements institutionnels et structurels qui les causes fondamentales de contre-performances du secteur agricole, il est utile de connaître l’évolution de cet important secteur économique et les mutations qu’il a subies depuis ces vingt-cinq dernières années (voir encadré).
Encadré : Résumé de l’évolution des politiques menées dans le secteur agricole au Sénégal de 1980 à 2008

Les difficultés du secteur agricole et du monde rural depuis le démantèlement du système étatique au début des années 80, trouvent leur origine dans l’absence de souveraineté affirmée en matière de politique agricole, d’une part ; et d’autre part dans le manque de solidarité (voire de générosité) des pouvoirs publics vis-à-vis du monde rural . Le développement du monde rural a été déconnecté de celui du secteur agricole depuis l’avènement de la NPA qui a consacré en 1985 le désengagement de l’Etat, la libéralisation des marchés, la responsabilisation des paysans, etc. Après avoir déstructuré le système d’encadrement du secteur agricole, la mise en oeuvre de cette politique n’a offert en réalité aucune perspective concrète de développement au monde rural. Et l’on s’est contenté de croire la théorie de la Banque mondiale qui voulait que les lois du marché favorisent la croissance du secteur agricole qui de facto allait induire le développement du monde rural.
Cela ne s’est pas vérifié dans le contexte du Sénégal : car la libéralisation a plus favorisé les importations que les productions agricoles ; et ce, au détriment du monde rural qui s’est plutôt paupérisé. Ensuite, le chage de l’encadrement agricole et rural a eu des conséquences désastreuses sur le niveau de formation des ruraux et sur l’environnement écologique (dégradation des ressources ligneuses et herbacées et des sols).
L’effet d’entraînement attendu du secteur agricole sur le développement rural n’a pas été vérifié. Comme on le constate depuis une vingtaine d’années, les nombreux programmes et projets de développement agricole réalisés ont eu très peu d’impact sur l’amélioration des conditions de vie en milieu rural ; même durant les périodes une diversification et une augmentation relativement importantes des productions agricoles ont été réalisées.
Cela résulte du fait qu’aucun plan de développement rural durable, renfermant la fois les conditions de croissance de l’Agriculture et celles des secteurs non agricoles du milieu rural, n’a été élaboré et mis en oeuvre.
Pendant longtemps les partenaires au développement et les bailleurs de fonds ont considéré que le Sénégal ne disposait pas de véritable politique de développement agricole et rural, nonobstant le PASA et le PISA. C’est ainsi que, encore sous l’égide de la Banque mondiale, le GRS a été crée pour reformuler de Nouvelles orientations et stratégies pour une agriculture sénégalaise, compétitive et durable en 1998. Ces orientations ont, pour l’essentiel, réaffirmé les options de désengagement/libéralisation, mais elles ont aussi replacé les paysans et leur OP, ainsi que la Recherche et le Conseil agricole, au cour d’un nouveau dispositif, le PSAOP qui a donné naissance au FNRAA et l’ANCAR.
Le GRS a eu au moins le mérite de relever deux manquements extrêmement importants :

1) que les politiques agricoles antérieures n’étaient inclusives, car ne prenant pas en compte les acteurs économiques situés en amont et en aval de la production, c’est-à-dire, les services, le commerce et l’industrie) ;

2) l’absence de véritables plans de développement agricole présentant les stratégies permettant d’identifier et d’élaborer les programmes d’investissement et les projets. C’est ainsi que le GRS s’est investi dans la formulation de multiples stratégies @court long et moyens termes, qui sont certes pertinentes mais n’ont pas débouché sur l’élaboration d’un plan d’action global et concret vers la modernisation de notre Agriculture, vision que le GRS a pourtant défendue. Enfin en Juin 2004, une loi dite d’orientation agro-sylvo-pastorale (LOASP) a été votée pour constituer le fondement de la politique de développement rural. Elle comporte trois Plans de développement opérationnels : le PNDA, le PAFS et le PNDE. Les innovations majeures portent sur la volonté exprimée de procéder une réforme foncière et ‡ la définition de cadres juridiques pour l’exercice des métiers agricoles, et de favoriser les investissements en milieu rural. La LOASP prune également l’intensification agricole travers la création d’unités de production modernes.

3. Sur le plan des performances, l’Agriculture sénégalaise a amorcé une tendance au déclin depuis le milieu des années í80 ; tendance qui s’estompe durant la brève période de 1999-2002, pour reprendre de plus belle en 2003. Point n’est besoin de faire des statistiques pour montrer que les différents gouvernements qui se sont succédé ont fait des efforts qui se sont soldés avec plus ou moins de bonheur. Mais ce qu’il faut surtout retenir c’est travers les différentes mutations qui ont jalonné l’évolution de la politique agricole du Sénégal (voir encadré), la tendance la libéralisation et au désengagement de l’Etat (= allégement de l’encadrement agricole et privatisations des agro-industries) a été constamment affirmée ; il est vrai sous la pression de la Banque mondiale. Mais depuis 2004 devant le marasme du monde rural et les résultats de la privatisation de la SONACOS, l’Etat semble avoir pris du recul par rapport aux directives d’orientation de la Banque mondiale et avoir décidé enfin de prendre le destin de son secteur agricole entre ses propres mains. C’est sous cet angle qu’il convient de lire et d’analyser la genèse d’un certain nombre de programmes agricoles nationaux (j’insiste) initiés par l’Etat ; il s’agit des CPFP, des programme maïs et manioc du Plan REVA et actuellement du programme GOANA.

De la pertinence du Plan REVA

Le plan REVA, tout comme les CPFP, est une réponse structurelle la problématique du secteur agricole. L’opportunité et la pertinence doivent être appréciées selon le degré de cohérence par rapport aux orientations et stratégies de la politique définie dans la LOASP.
Malgré les circonstances qui ont prévalu sa conception, le but du Plan REVA n’est pas seulement de lutter contre l’émigration des jeunes et l’exode rural en fournissant des emplois. Il n’est pas non plus un simple programme d’investissement visant ‡ augmenter les productions agricoles.
Le Plan REVA doit être considéré comme un élément central du PNDA et du PNDE, c’est-à-dire comme un outil de développement agricole et rural qui concerne tous les segments économiques et socioprofessionnels, ainsi que tous les cadres institutionnels du monde rural.
Sa portée dépasse le seul secteur agricole qui constitue la ´†rampe de lancement†ª pour un décollage de l’économie en milieu rural, à travers l’entraînement des systèmes de production traditionnels vers des systèmes plus intensifs, et leur intégration dans les sphères agro-industrielles et agro-alimentaires de l’économie nationale.
Dès lors que tous les acteurs nationaux du secteur agricole et rural (Etat, Organisations professionnelles, Agriculteurs et Techniciens) se sont accordés sur le diagnostic du secteur et sur les nouvelles orientations de développement rural définies dans la Loi Agro-sylvo-pastorale, l’opportunité d’un Plan d’actions opérationnel n’est plus poser. Car pour passer de la définition et des orientations politiques à la réalisation de projets concrets, il faut bien un Plan d’opérations.
Conduire invariablement des campagnes agricoles successives à travers le financement des intrants et de la commercialisation de l’arachide, ne peut tenir lieu de politique de développement agricole sérieuse ; et cette pratique finirait par confiner le développement agricole et le monde rural dans une politique de subsistance et de survie alimentaire.
L’absence d’un plan global de développement rural, comme suite ‡ la LOASP, signifierait que nous n’avons pas avancé depuis 1998, date ‡ laquelle il a été constaté que l’Etat ne disposait pas réellement de plan opérationnel de développement agricole.
En définitive, on peut dire que le Plan REVA, vu sous cet angle, est non seulement une initiative opportune pour avoir été depuis fort longtemps un ´chaînon manquant de la politique agricole†du Sénégal ; mais il est également en cohérence et en conformité avec les nouvelles orientations de cette politique agricole qui prune l’intensification à travers la création d’entreprises et d’unités de production agricole modernes.

De l’opportunité du programme GOANA

Les programmes de production (maïs, manioc, bissap, riz, fonio, lait, viande, etc.), dans lesquels il convient de ranger le ´†GOANA†ª, sont d’ordre conjoncturel et doivent être pérennisés dans le cadre des structures comme celle des CPFP, du plan REVA, et de bien d’autres à réadapter (ANCAR, FNRAA,...) et ‡ créer. Leur faisabilité technique ne peut pas être en cause, car il s’agit de cultures et de produits animaux bien connus et adaptés à notre écologie, et dont les moyens et facteurs de production existent. Par contre, vu l’envergure des programmes, il est important d’étudier leur factibilité (factibility), c’est-à-dire, chercher ‡ savoir quel sera l’impact environnemental et social et quel sera le rapport co˚t/avantage. Ces études doivent permettre de définir la structuration de l’organisation†qui doit prendre en charge les programmes ; d’identifier les rôles et les interventions requises pour une planification de la mise en oeuvre.
L’opportunité du GOANA et sa capacité de constituer une réponse conjoncturelle efficace contre la hausse des prix mondiaux et la pénurie des produits agricoles seront démontrées si le programme est assuré :

• de la disponibilité des ressources humaines et des acteurs institutionnels adéquats, ainsi que de la maîtrise technique ;

• de la prise en compte des situations environnementales et sociales† ;

• de l’efficacité économique (continuité et diversification des productions)† ;

• de moyens de financement suffisants.
Conclusions et Recommandations
Au terme de cette contribution, notre conviction est que le Sénégal doit, pour sortir de la crise agro-alimentaire qui menace le monde, conduire sa politique agricole et rurale sur la base des quatre piliers suivants :

• la nécessité d’une continuité dans la vision à long terme des politiques agricoles ; le monde rural n’est pas seulement l’agriculture, car les industries agroalimentaires et -*agrochimiques ont aussi vocation à s’y développer ;

• la qualité d’un plan de développement repose avant tout sur la justesse de la conception et la pertinence des stratégies ;

• la réussite d’un programme développement agricole est toujours tributaire de la volonté politique du gouvernement et de l’adhésion des acteurs.

Organisation mondiale du Commerce

• Institut Sénégalais de Recherches Agricoles

• Agence National du Conseil Agricole et Rural

• Conseil national de concertation et de coopération des ruraux

• Gestion intégrée de la production et des déprédateurs

• PSAOP : Programme de soutien des services agricoles et d’appui aux organisations professionnelles

• Retour vers l ‘Agriculture

• Plan national de développement de l’agriculture

• Plan national de développement de l’élevage

• Fonds national de recherches agricoles et agroalimentaires

Par les termes ´†ambition et générosité(= yeene en wolof) nous voulons signifier que les pouvoirs publics n’ont jamais envisagé l’enrichissement des agriculteurs-paysans (= badolos en wolof) comme étant un levier de développement, comme ils l’ont fait pour la petite bourgeoisie urbaine. Or c’est que là réside en grande partie la stratégie de développement agricole des pays du Nord (cf. la politique agricole commune européenne (PAC)).
Nouvelle Politique Agricole
Programme d’Ajustement du Secteur Agricole Programme d’Investissement du Secteur Agricole Groupe de Réflexion Stratégique
Plan d’action forestier et sylvicole
Centre Polyvalent de Formation des Producteurs ruraux : prévu dans chaque département ; une dizaine a été déjà construite.

Source : Sudquotidien du vendredi 24 avril 2008.

Top